La Danse en Europe

Cette position adoptée par la religion chrétienne s'est perpétuée jusqu'au Moyen-Age et durant le Moyen-Age. De nombreux conciles des évêques catholiques condamnaient l'utilisation de la danse et simultanément l'on pouvait voir la danse utilisée lors de certaines cérémonies religieuses. Il existe certains faits qui prouvent que durant tout le Moyen-Age, soit entre l'an 476 et l'an 1453, la danse fut utilisée aussi à des fins sociales, du moins en Europe. Le premier de ces faits est justement la série d'interdits et de condamnations que l'Église a jeté à la danse. En fait, au Moyen-Age, on peut dire qu'il existait plus d'écrits contre la danse que pour la danse. La chose s'explique facilement. Les seules personnes instruites, en ce temps, étaient les moines. Or Si la religion était contre la danse, ils n'allaient certainement pas en assurer la diffusion par des écrits. Toutefois on dansait quand même. Les fêtes constituaient la principale occasion de danser. La fête la plus populaire au Moyen-Age était sans contredit la fête du mai. Celle-ci constituait l'occasion pour le peuple de célébrer le renouveau de la nature et incluait de nombreuses réjouissances qui se poursuivaient tout le long du mois de mai. Le rituel du mois de mai débutait par la plantation d'un arbre sur la place du village ou dans un endroit approprié. Cet arbre était ensuite décoré de fleurs, guirlandes et rubans. La danse et les jeux s'exécutaient autour de cet arbre. On y exécutait entre autres la danse des épées, la danse du cheval ainsi que plusieurs rondes. Les différentes corporations de métiers venaient y exécuter leur danse particulière: bouchers, forgerons, pêcheurs, coutelliers, pelletiers, cordonniers, mineurs, bottiers, tisserands, vignerons, laboureurs, soldats et autres. Ces danses étaient habituellement extrêmement simples et étaient accompagnées de chants, de battements de mains et de frappements de pieds. Certains documents permettent de fixer vers l'an 1400 l'utilisation de la musique dans les danses. Les mélodies et les chants d'accompagnement de ces danses se transmettaient de siècle en siècle oralement. Les principales danses du Moyen-Age et les plus populaires étaient la Carole et la Tresque, sorte de chaîne fermée ou ouverte de danseurs et de danseuses. Certaines danses de fête étaient exécutées en couple. Nous reviendrons plus tard à ces fêtes populaires, mais il est important de souligner que plusieurs historiens de la danse sont d'avis qu'elles constituent le prolongement médiéval d'anciennes traditions préhistoriques de fertilité. De plus certaines danses utilisées, notamment celles des épées et du cheval, ont comme ancêtres certaines danses phalliques et concrètes exécutées par l'homme du néolithique plus de 6000 ans avant Jésus-Christ.

Le Moyen-Age est caractérisé, entre autres choses, par la présence d'un système féodal. Si le peuple dansait, le seigneur dansait aussi. Les troubadours, allant de château en château, eurent tôt fait d'utiliser la danse comme élément de divertissement de la cour. Plusieurs types de danse furent introduites dans les châteaux du Moyen-Age. Les danses paysannes furent copiées par la noblesse, mais sous une forme plus raffinée et courtisane. D'ailleurs, l'utilisation de la danse à la cour des principaux châteaux du Moyen-Age s'est faite sous deux principales formes. La première consistait à l'utilisation sociale de la danse: les membres de la cour participaient à l'exécution de danses apprises antérieurement. La seconde forme consistait à présenter à la cour des spectacles de danse.

Si la première forme a permis la naissance d'une nouvelle profession, les maîtres à danser; la seconde a permis l'établissement des premières troupes de danseurs professionnels. Cette division aura sur l'époque suivante une certaine importance.

Durant la Renaissance, les arts de la musique et de la danse avec les habiletés de guerrier et de chasseur étaient partie intégrante de l'éducation des courtisans de tous les châteaux d'Europe. Parmi ces danses citons: l'allemande, la courante, la sarabande, la gigue, la gavotte, la bourrée, le rigaudon, le menuet, la pavane, la gaillarde et la polonaise. Certaines de ces danses étaient allemandes, d'autres françaises, espagnoles ou italiennes et tenaient leurs origines des danses du peuple, qui étaient transposées en des formes plus appropriées pour la cour. En réalité on classait les danses de cette époque en deux principales catégories. Les "basses danses" étaient exclusivement des danses de cour, s'exécutant près du sol, sans grand mouvement à cause principalement des costumes que portaient, alors, les courtisans, et aussi à cause du caractère plus austère que présentait la cour. Au contraire les "hautes danses" étaient les danses du peuple, où il était beaucoup plus facile, à cause du costume moins lourd, de sauter et de se déplacer.


Bal français, époque 1660

Les spectacles de danse présentés à la cour vers la fin du Moyen-Age, prirent de la popularité à la Renaissance. Les historiens de la danse considèrent habituellement l'an 1581 comme étant la période où fut présenté le premier ballet. Celui-ci était appelé "Le Ballet Comique de la Reine" et fut présenté à la cour du roi Henri III de France, à Fontainebleau, par Balthasar de Beaujoyeux, un italien dont le nom réel était Baldassarino Belgioioso. Ce dernier était le premier valet de chambre de Catherine de Médicis, femme d'Henri Il et mère de Henri III. C'est encore sous le règne de Henri III que fut introduite comme danse de cour la pavane, d'origine espagnole ou italienne. C'était une danse majestueuse et lente, aux gestes harmonieux, solennels et effacés. On prétend qu'elle imitait les mouvements du paon, "pavone", dont elle aurait tiré le nom. C'était une danse des plus estimées de la cour d'Henri III. Elle se répandit dans toutes les grandes cours d'Europe.

Sous Henri IV, successeur de Henri III et dont le règne s'étendit de 1589 à 1610, plus de quatre-vingt ballets furent présentés à la cour. Son fils et successeur Louis XIII fut aussi un défenseur de la danse et du ballet. Il participa lui-même à de nombreux ballets, en y tenant le premier rôle, durant son règne, soit de 1610 à 1643. On prétend que sous son règne, le menuet fut introduit à la cour de France. Son fils, Louis XIV, participa aussi à de nombreux ballets durant son règne, soit entre 1643 et 1715. En réalité Louis XIV fut sûrement le plus ardent défenseur de la danse en Europe durant la Renaissance. C'est lui qui demanda à son maître de ballet, Charles Louis, (que certains auteurs nomment Pierre Beauchamp), d'établir les lois et les règles du ballet, de décrire les positions de bras et de pieds, ainsi que les différents mouvements du ballet. Beauchamp établit ainsi les bases de la technique du ballet, qui allait se développer durant les siècles suivants.

En plus, en 1661, Louis XIV, conseillé par le cardinal Mazarin, créa l'Académie Royale de Danse, dont le but était de pourvoir les personnes intéressées d'une instruction en ballet. L'accent était porté exclusivement sur la perfection et la technique du geste et du mouvement. Dix ans plus tard, Jean-Baptiste Lully accepte la responsabilité de l'Académie Royale de Danse et de Musique. Il collabore avec Molière pour les comédies-ballets et compose la musique et la danse d'un grand nombre de ballets. L'académie de danse cessa son activité en 1780. Neuf ans plus tard, c'était la Révolution Française.

Durant cette période le peuple continuait à se divertir à sa manière. Les fêtes décrites précédemment se poursuivaient au fil des siècles. Le mois de mai était particulièrement privilégié pour les fêtes dans tous les pays, mais il existait, en plus, plusieurs autres prétextes à la fête et à la danse, la récolte du maïs, la cueillette des noix au Poitou, des olives en Provence, les vendanges et les récoltes. Plusieurs autres circonstances donnaient aussi lieu à des réjouissances et à des danses: baptêmes, mariages, anniversaires, funérailles. Les danses n'étaient pas aussi difficiles que celles pratiquées à la cour, ou dans les ballets, mais permettaient aux sujets du Roi de se divertir quand même.

Le clergé, de son côté, poursuivait son interdiction envers la danse d'autant plus qu'on y voyait fréquemment des relations avec la sorcellerie et le diable. Les danses du peuple étaient souvent dirigées par Arlequin, issu de la Commedia dell'Arte italienne, qui symbolisait Satan en personne. De plus ces fêtes populaires, où l'on retrouvait la danse, donnaient souvent lieu à des scènes grossières et dégénéraient souvent en orgies. On rapporte que l'on préférait parfois se présenter àces fêtes masqué, de peur d'être reconnu. Plusieurs de ces fêtes eurent lieu même à l'intérieur des églises et des cimetières, et des membres du clergé y prirent part. C'est une autre raison qui fit que l'Église, lors de nombreux conciles, défendit l'exécution des danses impies. L'Église protestante réagit de la même façon que l'Église catholique envers la danse et en défendit l'exécution. C'est à cette période que s'établissaient les nouvelles colonies outre-mer de Nouvelle-France et de Nouvelle-Angleterre.


La Valse

Au début du XIXe siècle, un professeur français, François Delsarte (1811-1871), influença beaucoup l'évolution de la danse, en développant un système d'exercices qui avait pour but principal de relier les mouvements corporels aux sentiments intérieurs. Ce système, nommé gymnastique esthétique ou calisténisme esthétique, était supporté par certains exercices qui utilisaient la détente, les positions fixes et des tableaux afin d'illustrer certaines émotions internes. On y utilisait aussi la danse. Il divisait le corps humain en trois zones de représentation: la tête, zone mentale et intellectuelle; la poitrine ou torse, zone de l'émotion, de la moralité et de l'esprit; et enfin les membres, zone physique vitale. Delsarte peut être considéré comme le précurseur de la danse moderne américaine.

Six ans après sa mort, soit en 1877, naissait à San Francisco celle qui allait introduire cette danse moderne, Isadora Duncan, qui reçut chez Geneviève Stebbins sa formation basée sur les principes de l'harmonie corporelle de Delsarte.

Les débuts du XXe siècle sont caractérisés par les travaux d'Émile Jacques-Dalcrose, compositeur et pédagogue suisse, mais qui poursuivit la plus grande partie de ses travaux en France. Il élabore principalement un système d'éducation musicale: la rythmique, basée sur l'alliance de l'esprit et de la matière, considérant le rythme comme agent de liaison. Il poursuit donc dans le sillon tracé par Delsarte, mais en proposant un lien entre le sentiment interne et la manifestation corporelle externe: la rythmique.

La danse moderne a été influencée par les travaux d'un troisième chercheur européen, Rudolf von Laban. D'origine hongroise, il travaille en Suisse et en Allemagne avant de se fixer en Angleterre. On lui doit la découverte des quatre principaux éléments entrant dans la composition du mouvement humain: le temps, présence ou absence de rapidité; l'énergie, degré de force dégagé dans le déplacement de son propre corps ou d'un objet; l'espace, environnement utilisé et la fluidité, degré de liberté ou de retenue exercé. Il explicitait et approfondissait ainsi la rythmique de Jacques-Dalcrose, tout en demeurant delsartien.


Le quadrille français, figure 1: Le Pantalon



Le quadrille français, figure 2: L'Été



Le quadrille français, figure 3: La Poule



Le quadrille français, figure 4: La Trénisse



Le quadrille français, figure 5: La Finale

Cette nouvelle forme de danse, la danse moderne, fut introduite aux Etats-Unis, au début du siècle, par des artistes tels Isadora Duncan, Ruth St-Denis et Ted Shawn. Vers le milieu du XXe siècle, ils avaient cédé leur place à Martha Graham, à Doris Humphry, à Charles Weidman et à José Limon.

Sur le plan social, le XIXe et le XXe siècle sont caractérisés par l'apparition de nombreuses danses. En France, suite à la révolution de 1789, une nouvelle danse fut introduite dans les salons de la Première République, la valse. D'origine allemande, elle avait été popularisée dans ce pays un siècle plus tôt par une chanson populaire "O die lieber Augustin". Mais l'histoire de la valse allemande peut être retracée jusqu'à une ancienne danse française de Provence "La Volta", qui avait été populaire durant quatre siècles dans cette région. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, une autre danse étrangère fit son apparition en France, la polka. On situe son origine en Bohème vers les années 1830 et de là, elle fut introduite dans les salons parisiens. Le nom "Polka" ou "Pulka" signifie "moitié" en langue tchèque. Peu après l'introduction de la polka, les Polonais firent connaître la Mazurka qui connut ses plus grands moments de gloire sous le Second Empire de Napoléon III. Une autre danse populaire tout le long du XIXe siècle est le quadrille. C'est une danse française composée de cinq parties, exécutées à tour de rôle par chaque participant. Les parties sont les suivantes: 1) chaîne anglaise ou pantalon; 2) avant-deux ou l'été; 3) la poule; 4) trénis ou pastourelle et 5) la finale, qui porte plusieurs noms tels: Saint-Simonienne, chassé-croisé, galop, boulangère ou corbeille. Une grande variété de quadrilles furent composés durant cette période. Les plus populaires furent le quadrille croisé, le quadrille américain et le quadrille des lanciers. Les cinq parties de ce dernier étaient: 1) les tiroirs ou le dorset; 2) la victoria ou les lignes; 3) les trois saluts, la double chaîne ou les moulinets; 4) les visites et 5) la grande chaîne plate ou les lanciers. Durant ce siècle, quelques autres danses étaient relativement populaires: la farandole, danse assez ancienne mais qui jouissait toujours de la faveur populaire et qui était utilisée surtout à la fin des quadrilles; et le cotillon, qui était plutôt un jeu de danse. Un dictionnaire de la danse publié en 1895 en cite 183 formes différentes. Le siècle suivant vit apparaître le cake-walk, le tango, le two-step, le fox-trot, la java, la samba, le paso-doble, le charleston, le lambeth-walk, le boogie-woogie, le jetterbug, le cha-cha-cha, le rock'n roîl, la bossa nova et plusieurs autres.

Au niveau du ballet, le mouvement entrepris au XVIIIe siècle par l'Académie Royale de Danse s'est poursuivi, en dépit de l'arrêt des activités de l'académie et en dépit de la Révolution Française. Plusieurs grands chorégraphes, danseurs et danseuses s'illustrèrent tour à tour en Europe, particulièrement en France. Certains de ceux-ci furent invités à Saint-Petersbourg, à la cour des tsars russes, afin d'y fonder un mouvement de ballet qui s'est perpétué même postérieurement à la révolution russe du début du XXe siècle. Ce mouvement gagna en plus les Etats-Unis dès les débuts du XXe siècle. Aujourd'hui encore on peut considérer Moscou, Paris, et New-York comme étant les grandes capitales du ballet.

Ce rapide tour d'horizon sur l'histoire de la danse nous permet de réaliser que cet art a pris ses racines dans les ténèbres de l'histoire de l'homme et constitue aujourd'hui la forme d'expression artistique la plus ancienne que possède l'humanité.

**** par France Bourque et Michel Landry

LA DANSE AU FIL DES AGES            GENERALITES