Instruments de la musique Klezmer.

En Ukraine, au 18ème et 19ème siècles, la loi divisait les instruments de musique en deux catégories: les "forts" (cuivres et percussions) et les "doux" (cordes et flûtes). Les juifs n’étaient autorisés à jouer que la seconde sorte... En plus, le nombre de musiciens et la durée des concerts étaient aussi limités.

Di Shpilman KapelyeOstrowiec, Pologne, ~1905

Le violon ("fidl", "verfl", "varpli" ou "varfli" en yiddish) se prêtait bien à toutes les ornementations et variations expressives. Au 16ème siècle, les violonistes occupaient toutefois une position basse dans la hiérarchie musicale (Mais il était plus facile de fuir un pogrom avec un violon qu’avec un piano!). L’"ershter" (premier violon) d’une "Kapelye" (orchestre) interprétait la mélodie principale en haut. Le "tsveyter" (second violon) en jouait une version hétérophonique, souvent à l’octave inférieure, alors que le "fturke" ou "secunda" faisait un accompagnement rythmique (Josh Horowitz & Seth Rogovoy). Le violon est devenu le symbole de la musique juive: L'expression "Yidl mit'n Fidl" (le p'tit juif avec son violon) a même inspiré une chanson et un film.

La flûte ("fleyt" ou "shtolper") fut utilisée par les klezmorim dès le 17ème siècle. Mikhael Guzikov en jouait avers 1830, avant de créer son "shtroyfidl". Le piccolo était le plus courant, car meilleur marché et facile à fabriquer. Les flûtes étaient coniques, plus rarement cylindriques, accordées (pas toujours très précisément!) en Do, en Fa ou en Mib. (Josh Horowitz)

<--- Fleytshpiler ~1900


Adrianne Greenbaum 2004 --->


La clarinette ("foyal" ou "forsht") n'a été introduite dans les orchestres juifs que vers la

Marc
Chagall 1968
deuxième moitié du 19ème siècle, non pas en provenance des orchestres classiques ni en remplacement du taragot (tarogato) hongrois ou transylvanien, mais par des musiciens (juifs) ayant figuré dans des fanfares militaires allemandes ou russes (Josh Horowitz) ou encore grâce aux instruments laissés par les soldats.
Malgré l’affection qu’ils portaient traditionnellement au violon, les klezmorim ont obtenu, grâce à la clarinette, une élévation dans leur statut social. Le son "gémissant" de la clarinette (surtout celle en do) se prêtait parfaitement à la musique juive.

Lorsque plusieurs instruments mélodiques étaient présents, le plus aigu tenait généralement le "lead" (l’inverse n’étant utilisé que pour créer un contraste ponctuel). Pour des instruments de tessitures identiques, l’octave était préférée à l’unisson (comme dans le "tsiftetelli" turc), vu les différences d’intonation. Contrairement aux longues notes trillées, parfois tenues sur plusieurs mesures, le jeu à la tierce et le contre-chant étaient plus rarement utilisés que de nos jours (Merlin Shepherd): une affaire de (bon) goût!

Le cymbalum ("tsimbl") était déjà populaire en Galicie, en Pologne Bucovine et en Biélorussie au 16ème siècle. On ignore si ce sont les Juifs, les Tsiganes ou les Hongrois qui l’ont introduit. Avec une centaine de cordes tendues à 40-50 kg , il était très difficile à accorder et l’oreille des mélomanes de l’époque devait être bien plus tolérante que la nôtre (Josh Horowitz)...

<--- An altitshker yiddisher tsimbler


Pete Rushefsky et son tsimbl --->


L’accordéon (harmoshke) à boutons de la fin du 19ème siècle était très prisé, mais d’un prix élevé et donc rare. Sa petite taille et la rigidité de son soufflet en cuir de chèvre lui conféraient un son peu puissant, de sorte qu’il fallait beaucoup de force physique pour en jouer. Mais ce défaut permettait en contrepartie une plus large gamme de nuances et des ornementations plus subtiles. L’alliage des lames et le bronze du cadre sur lequel elles étaient rivées (actuellement, on utilise le zinc ou l’aluminium) lui conféraient un timbre chaleureux, délicat et riche, proche de la voix (Josh Horowitz).

Le piano était très rarement utilisé par les klezmorim européens car son prix et son volume le réservaient aux hautes classes de la société. De plus, il n'était pas utilisable pour la musique de rues ou pour des mariages. Il prit plus d'importance chez les musiciens immigrés aux Etats-Unis dès la fin du 19ème siècle, marquant ainsi leur intégration au mode de vie américain (Mark Slobin).

Le violoncelle ("barok") pouvait se jouer sanglé aux épaules, ce qui permettait de marcher avec. Certains le préféraient à la contrebasse ("werbel") pour sa légèreté et sa plus grande flexibilité mélodique. Les cordes en boyau étaient peu tendues et les notes aiguës rarement jouées, de sorte que le pouce n’était pas utilisé. L’archet, plus court, plus épais et aux crins moins tendus qu’actuellement, était tenu en "première position", vers le milieu. A l'origine, le son avait un caractère de "bourdon" ou de percussion, destiné surtout à augmenter le volume sonore en face d’un public bruyant de danseurs (Josh Horowitz). Plus tard, sous l’influence des musiques populaires et du jazz, la ligne de basse est devenue plus mélodique, rejoignant parfois la mélodie ou opiniâtrement fixée sur une ou deux notes. En présence d’une contrebasse, le violoncelle pouvait aussi jouer une voix de ténor.

Les percussions étaient souvent réduites à un simple tambour ("tshekal") ou une grosse caisse ("puk" ou "baraban") avec ou sans cymbale ("tats").

Ultérieurement, d’autres instruments ont été introduits dans les orchestres klezmer: cuivres, guitare, piano, saxophones (considérés par les nazis comme "instruments de la subversion judéo-nègre"!), xylophone, banjo et même tablas, sitar ou didjeridoo!

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