La Roumanie est encore très ancrée dans les traditions. Dans la région de l’Olténie, en particulier, il est une fête très particulière, qui donne lieu à un rituel pour libérer le monde de l’emprise du diable. Il s’agit de la fête de Ropotin…
Parmi les fêtes du calendrier traditionnel roumain, il y a en une réservée au diable. Ne soyez pas étonnés, on ne le célèbre pas. On dit que le Malin attend avec impatience ce jour pour surprendre les gens qui s’adonnent à la paresse. Afin de d’entraver ses projets, ce jour-là, hommes et femmes travaillent sans répit, du matin au soir. Des rituels magiques sont accomplis à cette occasion pour libérer le monde de l’emprise du mal. Les femmes fabriquent une sorte de couvercles appelés „ţest” dont on recouvre, dans le monde des villages, le pain mis au four. On dit qu’autant de diables seront tués que de couvercles fabriqués ce jour-là. Cette activité rituelle repose sur la croyance selon laquelle le „ţest”, ce couvercle donc, a la propriété de retenir le diable captif. La fabrication du « ţest » suit la technique de la céramique primitive, il est modelé à la main et laissé sécher au soleil.
Dans les villages d’Olténie, dans le sud du pays, on continue de fabriquer de tels couvercles – et c’est un travail réservé aux femmes. Et les personnes âgées se rappellent que ce travail, on le faisait surtout lors de la fête du Ropotin. Dans certains villages, cette fête était célébrée 3 mardis, 3 jeudis et 3 samedis après Pâques.
Floarea Vasile, une vieille femme de cette contrée arrosée par la rivière Olt, se rappelle ces temps-là: « Chez nous, le Ropotin était fêté le jeudi, le 3e jeudi après Pâques. On l’appelait aussi la fête du meurtrier. D’habitude, les femmes allaient en charrette ou dans les chars tirés par des bœufs vers les rives de la rivière Olt – puisque notre village est situé au bord de l’Olt -, elles prenaient de la terre glaise, qu’elles arrosaient et piétinaient; elles ajoutaient de la paille, de l’étoupe de chanvre, du crottin de cheval et la frappaient de gros bâtons pour que le diable sorte de cette terre. Cette glaise était piétinée neuf fois, ensuite on en recouvrait un monticule, pour lui donner la forme d’un couvercle pour le pain. On ajoutait des cendres et l’on y dessinait une croix, pour que le Malin en soit banni. Si les paysans ne respectaient pas cette fête, des malheurs frappaient leur village ». Retournons aux couvercles appelés « ţest ». Après les avoir modelés, on les laissait sécher au soleil pendant plusieurs jours. Lorsqu’ils étaient devenus suffisamment durs, ils étaient peints et leurs bords étaient ornés de rameaux verts ou de fleurs. Enfin, on les arrosait de vin, pour qu’ils servent longtemps et n’éclatent pas une fois mis au four. Cette coutume est doublée de la croyance que les femmes, en piétinant la glaise, c’est le diable lui-même qu’elles piétinent. Ces couvercles ont la forme d’un chapeau, pour que le Malin, prisonnier dans cette glaise travaillée, ne puisse plus se libérer. Cette coutume comporte quelques interdits: les femmes enceintes ne doivent pas participer à la fabrication des „ţest”, sous peine de mettre au monde des enfants disgracieux. Aussi était-il souhaitable de ne pas dire aux femmes « Bonjour », mais « Bon travail, braves femmes! ». Il était également interdit de se prêter les „ţest” d’une maison à l’autre, ce qui aurait attiré pauvreté et malheurs. Si le « ţest » se brisait, il n’était pas jeté hors de la cour, car il était fait de terre et la terre est sainte. Son pouvoir était grand. L’été, en temps de sécheresse, ces couvercles étaient plongés dans l’eau, pour que les cieux s’ouvrent et laissent tomber la pluie. C’est dans ce „ţest” qu’étaient cuites toutes les pâtes. Certaines femmes savaient même y préparer certains plats. Le mot « ţest » vient du latin « testum », qui signifie récipient, couvercle en terre cuite. Le « ţest » est facile à chauffer – on peut le considérer comme une sorte d’ancêtre du four à micro ondes. Il est vite chauffé, il suffit d’un feu de quelques brindilles et quelques éclats de bois, de rafles et de tiges sèches de tournesol. A part le pain à la levure et le pain azyme, sous le « ţest » on peut cuire des plats de légumes, des pommes de terre ou de la viande. Teofilia Nistor Source : Voyages Ideoz |