Le "Taraf de Haïdouks"


         Depuis la cour de ferme où se déroulent les festivités d'un mariage dans un village roumain, jusqu'au podium des grandes salles internationales, le « Taraf de Haïdouks » (Taraful Haïducilor) réchauffe tous les coeurs avec sa musique tsigane aux accents orientaux.

         Les tsiganes se sont installés en Europe de l'Est depuis le XIVe siècle. La croyance populaire les a vite considérés comme des voleurs de poules, mais, heureusement, aussi comme des musiciens de génie et leurs femmes comme d'excellentes danseuses. Au fond, les musiciens tsiganes mettent leur vie en musique, vie qui est une épopée où alternent le plaisir, la souffrance, l'amour, le chant et la danse Leur musique leur permet de communiquer des valeurs éthiques et culturelles ; ils vivent la musique comme l'expression profonde de leur existence.

         En 1969, les « Lautarii din Clejani » ont déjà une solide réputation.

         A la chute du régime de Ceamescu, ils ont été découverts par la maison de disques belges « Divano et Crammed ». Ces « Lautarii » de Clejani, musiciens traditionnels de Valachie, doivent leurs succès en Europe grâce à deux producteurs belges, Stephane Karo et Michel Winter. Pour vous emmener dans le monde de vie des musiciens du « Taraf de Haïdouks », je me suis surtout inspirée de l'étude (2005-2006) faite par Dejana Milanovié (Serbie) et par Jean-Marc Potterie (France), passionnés par la musique de ce groupe.

         Le « Taraf de Haïdouks », traduisons la Bande de Brigands, est la formation la plus connue de musiciens tsiganes de l'Europe de l'Est. D'habitude, un Taraf est formé de cinq à six musiciens. Le « Taraf de Haïdouks » avait dix musiciens au départ, même plus à certaines occasions. Dans ce cas, le groupe se subdivise, tous les musiciens ne jouent pas ensemble.

         La plupart des musiciens de ce groupe habitent le petit village de Clejani, dans le département de Giurgiu, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Bucarest. Nous sommes dans la plaine du Danube. Les 700 habitants de ce village vivent au rythme des chants, des danses et de la musique transmise oralement de génération en génération. Les musiciens ne lisent pas les notes, ignorent le solfège, jouent sans partition, et leur virtuosité est acrobatique. Ils se disent professionnels, parce que jouer de la musique est leur métier, cela les fait vivre. Grâce à leurs tournées internationales, leur niveau de vie s'est amélioré, mais ils continuent toujours à animer les mariages et autres cérémonies dans leur village et les environs.

         Dans les orchestres tsiganes on trouve presque toujours les mêmes instruments : violon, accordéon, guitare, contrebasse et cymbalum. C'est avec ces instruments, organisés autour du premier violon, soutenu lui-même par le cymbalum, que la musique tsigane fait fi de tout principe classique. L'artiste virtuose enjolive une mélodie qui a le rôle de fil conducteur. Il improvise, ajoute des fioritures, des modulations. L'orchestre, le ou les deuxième(s) violon(s), flûte, clarinette, cuivres, violoncelle, contrebasse, épaulent le thème, accentuent les rythmes, renforcent les sonorités et ornementations. C'est un langage insaisissable, qui exprime avant tout les sentiments. Certaines parties sont lentes pour exprimer la tristesse, d'autres endiablées, amenant la gaieté.


         Dans les salles de fête, les restaurants, les musiciens se déplacent parmi le public, interprètent en s'adaptant aux convives, improvisent énormément. Par contre, la musique de scène leur a donné un ordre de présentation en groupe, avec des places bien définies, les solistes en avant.

         Le « Taraf de Haïdouks » est riche de plusieurs albums de CD. Pour ceux qui peuvent écouter leur musique en connaisseurs, ils feront la différence entre la musique traditionnelle roumaine et les musiques métissées avec toutes sortes d'autres musiques du monde. Il y a même un album où les musiciens « re-tsiganisent » des oeuvres de Béla Bartôk, d'Albert Ketelbey, d'Aram Khatchatourian, de Manuel de Falla et d'Isaac Albe- nez. Cet album a été préparé avec des professionnels.

         « Un jour, l'étranger est venu de Belgique à Clejani, et à ce moment-là a commencé l'incroyable épopée du « Taraf de Haïdouks » à travers l'Europe » (citation de Marta Bergman — Dumbala Dumba — Livret CD. Crammed dises 1998)

Agnès JONES
Source : Bulletin "Partener-Partenaire" - N° 26 - 1er trimestre 2013.

DIVERS ROUMANIE            DIVERS