La musique folklorique canadienne
Peu de pays peuvent se prévaloir d'une musique folklorique aussi riche et culturellement diversifiée que celle du Canada. La musique folklorique traditionnelle d'origine européenne est présente au Canada depuis l'arrivée des premiers colons français et britanniques au cours des XVIe et XVIIe siècles. (Voir Musique folklorique canadienne-anglaise, Musique folklorique canadienne-française.) Ces premiers arrivants pêchèrent dans les eaux côtières et cultivèrent le sol sur les rives de ce qui allait devenir Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et la vallée du fleuve Saint-Laurent au Québec. Les commerçants de fourrures et, plus tard, les bûcherons contribuèrent de façon importante à répandre cette musique plus loin à l'ouest et au nord, à l'intérieur des régions boisées du centre du Canada. Le mélange de sang entre ces hommes et diverses tribus d'autochtones donna naissance à une population sans appartenance ethnique légale que l'on appela les Métis (tel Pierre Falcon). La colonisation agraire de l'est et du sud de l'Ontario et de l'ouest du Québec (début du XIXe siècle) créa un milieu favorable à la survie de nombreuses chansons folkloriques canadiennes-anglaises et ballades dites « broadsides » de Grande-Bretagne et des États-Unis. En dépit d'une industrialisation intensive, la musique folklorique traditionnelle a survécu dans un grand nombre de régions jusqu'à nos jours. Ainsi, au nord de l'Ontario, d'importantes populations de Franco-Ontariens gardèrent vivante la musique folklorique d'origine française. Les populeuses communautés acadiennes des provinces de l'Atlantique apportèrent leurs variantes au monumental corpus de musique d'origine française qu'on retrouve dans la province de Québec. Une source très riche de musique folklorique canadienne-anglaise se trouve dans la région de l'Atlantique, et à Terre-Neuve en particulier. Pour compléter cette mosaïque du folklore musical, il faut mentionner la musique gaélique des colonies écossaises, notamment au Cap-Breton, et les centaines de chansons irlandaises dont la présence dans l'est du Canada remonte à la famine qui frappa l'Irlande dans les années 1840, entraînant une forte migration des Irlandais vers l'Amérique du Nord.
Les colonies mennonites et islandaises établies au Manitoba en 1874-75 furent le prélude de l'ère d'immigration massive d'Européens de l'Est et de l'Ouest et d'Asiatiques dans l'ouest du Canada. Ukrainiens, Polonais, Hongrois, doukhobors, Anglais, Français et d'autres encore défrichèrent le sol des Prairies à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Au cours de la même période en Colombie-Britannique, des Chinois, Japonais, Sikhs et encore des doukhobors ainsi que d'autres immigrants d'origine européenne vinrent grossir les rangs de la population des colons canadiens-anglais. Un groupe de fermier japonais d'Okinawa vint s'établir dans la région de Lethbridge en Alberta, apportant avec eux une tradition musicale très différente de celle du Japon. Plusieurs groupes d'Européens, surtout des Finnois, s'intégrèrent aux nouvelles communautés minières, forestières et agricoles du nord de l'Ontario et aux centres urbains du sud. Après la Deuxième Guerre mondiale, une nouvelle vague d'immigration vint augmenter la population des villes, en provenance du sud de l'Italie, des états baltes, de la Hongrie, du Portugal et des Caraïbes. Les années 1970 et 1980 ont été marquées par l'arrivée massive de réfugiés fuyant certains pays du sud-est asiatique et de l'Amérique latine. Quant aux communautés juives, dont la présence au Canada remonte à la fin du XVIIIe siècle, elles prirent une part active à la vie culturelle et économique en milieu urbain et en milieu rural. Enfin, plus d'une centaine de groupes culturels apportèrent leur tradition musicale propre, ajoutant ainsi leur contribution à l'héritage musical des cultures française, anglaise, gaélique et irlandaise.
Quelle que soit son origine culturelle, la musique folklorique traditionnelle a ses racines dans les couches populaires. Dans certains genres, on peut constater une fertilisation réciproque entre l'art lyrique et la chanson traditionnelle survenue dans la mère patrie à diverses époques. Dans les villages de pêcheurs canadiens, les hameaux ruraux et les communautés de défricheurs, la musique folklorique constituait la principale source de divertissement en même temps qu'un lien avec le passé. Certaines régions et milieux culturels furent propices à la création de chansons au contenu purement canadien. Terre-Neuve - qui fut la première colonie européenne en Amérique du Nord - détient le pourcentage le plus élevé de chansons folkloriques indigènes. Dans d'autres cultures (par exemple lithuanienne et ukrainienne), on discerne les liens avec un passé tribal archaïque dans les mélodies et dans les textes de chansons rituelles du calendrier. Les caractéristiques de ces chansons d'origine païenne n'ont guère été atténuées par les influences chrétiennes plus récentes qui y ont laissé une empreinte très superficielle. Les chants de Noël, du Nouvel An et de Pâques en sont des exemples manifestes, ainsi que les cycles élaborés du mariage caractéristiques de plusieurs cultures européennes. Les chansons anglaises et françaises ont perdu la plus grande part de cet aspect rituel archaïque, montrant rarement des origines antérieures au Moyen Âge. Les airs gaéliques ont davantage conservé leur saveur archaïque, issue du passé musical celtique. La plupart des cultures ont des genres narratifs tels que les ballades et, à un moindre degré, les épopées. Les ballades couvrent une vaste période allant du Moyen Âge au XXe siècle. Les thèmes en sont variés : amour, guerre, exploits héroïques, vengeance, meurtre, sinistres, etc.
Les chansons courtes traitent le plus souvent de l'amour sous ses divers aspects : amour non partagé, trahi, occasionnellement comblé. Leur beauté mélodique et poétique égale et surpasse fréquemment la beauté des pièces du répertoire de l'art lyrique. Le thème de l'amour occupe une place considérable dans la culture traditionnelle, tant européenne qu'asiatique, et ce depuis les premiers temps jusqu'au XXe siècle.
De nombreuses chansons sur la mer, les marins, les pêcheurs, les naufrages, la chasse aux phoques, la chasse à la baleine, les bûcherons, les mineurs, les cheminots, les cow-boys, etc. sont d'origine canadienne-anglaise, et il en existe plusieurs exemples d'origine canadienne-française.
Les autres genres comprennent berceuses, chansons de jeux d'enfants, chansons à boire, turlutage (syllabes sans signification, souvent utilisées pour la danse) et chansons macaroniques (françaises-anglaises, ukrainiennes-anglaises, etc.). Les chansons d'immigrants et les chants patriotiques se trouvent principalement parmi les cultures scandinaves et autres cultures européennes, témoignant parfois de la nostalgie des vieux pays et de l'adaptation à un nouvel environnement.
À l'exception des sectes chrétiennes fondamentalistes (doukhobors, mennonites, huttérites), toutes les cultures possèdent des instruments de musique, utilisés en solo ou en concert pour divertir ou pour accompagner la danse et, occasionnellement, le chant. Dans la musique canadienne-française, canadienne-anglaise et gaélique, le violon est l'instrument principal, et on le retrouve également dans d'autres cultures. Le plus ouvragé est le violon norvégien Hardinger à huit cordes, fabriqué à Norway Valley, Alb., jusqu'aux environs de 1930. La lutherie populaire compte de nombreux adeptes partout au Canada, et la fabrication du violon est une activité très répandue parmi les musiciens traditionnels. Les autres instruments d'usage courant dans les musiques folkloriques canadienne-française et canadienne-anglaise incluent la guitare, l'accordéon à boutons, l'harmonica, les sifflets, la guimbarde, les « os » et les cuillers. La cornemuse, longtemps associée aux Écossais et aux Irlandais, se rencontre aussi dans des versions folkloriques primitives chez les Polonais, les Tchécoslovaques et autres groupes de l'est européen. Voici une liste partielle des autres instruments transplantés au Canada : cithares : finnoise (kantélé), lithuanienne (kankles), lettonne (kokle), estonienne (kannel), japonaise (koto), chinoise (ching), islandaise (langspil); tympanons : ukrainien (cimbali), hongrois (cimbalon), chinois (yang-tyin); instruments à archet : chinois (eur-kou, gau-hou), yougoslaves (gousli), polonais (gesle); luths, etc. : chinois (p'i-p'a), ukrainien (kobza, bandoura), sikh (sitâr), japonais (biwa); instruments sans frettes : japonais (shamisen), okinawaïen (shamisen, tête en peau de serpent), chinois (san-sian, précurseur du shamisen); flûtes : chinoise (embouchure latérale ou terminale), japonaise (shakuhachi), ukrainienne (sopilka), yougoslave (frula); cornemuses : lithuanienne (skoudoutchiaï, à tonalité unique, en plusieurs longueurs); tambours et autres instruments de percussion : sikhs, chinois, japonais.
Une grande part de la musique canadienne-française et canadienne-anglaise a survécu autant en milieu rural qu'en milieu urbain dans plusieurs régions du Québec, de l'Ontario et des provinces de l'Atlantique, mais la musique des groupes culturels d'implantation plus récente s'est trouvée confinée surtout aux centres urbains. Dans ce contexte urbain, de nombreux choeurs, associations ethnoculturelles, ensembles instrumentaux et troupes de danse folklorique ont créé, à partir de chansons traditionnelles simples, des versions plus sophistiquées par des arrangements musicaux que l'on trouve ensuite enregistrés commercialement. À partir des années 1940, un traitement similaire fut appliqué aux chansons folkloriques anglaises et françaises traditionnelles par des chanteurs professionnels utilisant des médias électroniques. Au début des années 1960, une nouvelle génération d'auteurs-compositeurs-interprètes du Canada français et du Canada anglais commença à produire une foule de chansons de style traditionnel, uniquement en vue de concerts et d'enregistrements.
Source : L'Encyclopédie Canadienne
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