Le Fado

"Les mots sont l'essence du fado. Les mots sculptés par la voix, métamorphosés en mélodies dans leur dialogue avec les guitares, plongent musiciens et public dans des émotions intenses en évoquant des lieux ou des vies, passées ou présentes, vies tracées par le "fado" (du latin : fatum), l'inéluctable destin". --- Salwa El-Shawan Castelo-Branco

Le Fado est un genre relativement récent. Il apparaît dans les quartiers pauvres de Lisbonne dans le 2ème quart du 19ème siècle. Son origine est sujette à controverse. Certains émettent l'hypothèse d'une origine arabe, d'autres soulignent ses rapports avec les chants des marins ou ses influences africaines et brésiliennes. Malgré les zones d'ombres qui entourent cette naissance, on peut avancer sur le fado est vraisemblablement le résultat d'une synthèse de genres musicaux et de danses populaires à Lisbonne à cette époque : le Lundum, chant et danse brésiliens d'origine africaine, la modimba, chanson de salon répandue au Portugal et au Brésil entre 1750 et 1850, le fandango, danse d'origine espagnole, le fado, danse d'origine brésilienne qui subsiste d'ailleurs encore dans les zones rurales de l'état de Rio de Janeiro, et la fofa, danse qui existait à la fois au Brésil et au Portugal. Il est aussi probable que le fado était dansé. Le chant et la danse étaient accompagnés à la guitare à 5 cordes, l'instrument populaire par excellence avant d'être remplcé par la guitarra, alors répandue dans les salons bourgeois lisboètes et qui accompagne le fado traditionnel depuis 1846 au moins.


Le fado a connu plusieurs étapes dans son évolution. La première, populaire et spontanée qui se situe entre 1860 et 1869, est associée à la prostitution et à la marginalité des vieux quartiers populaires de Lisbonne. Dans le 2ème quart du 19ème siècle, il s'introduit dans les salons de la bourgeoisie lisboète. C'est à partir de ce moment qu'il est reconnu en tant que genre musical. Au début du 20ème siècle, il voit apparaître la diversification de son contexte social, ainsi que son intégration progressive dans le teatro de revista, vaudeville portugais. La 4ème phase de son évolution, amorcée en 1930, est marquée par la professionnalisation. Cette période coïncide, en grande partie, avec l'Estado Novo totalitaire (1926-1974) qui imposa la censure des textes, contraignit les artistes à obtenir une carte professionnelle pour pouvoir exercer leur art et créa les casas tipicas, restaurants typiques où se jouait le fado. Dès cette période, le fado devient un objet de vive controverse. D'une part, on l'encensait en tant que "chant national" du Portugal, la quintessence de l'âme portugaise et, d'autre part, on critiquait son univers social, ses fondements idéologiques et ses limitations musicales.

Après la "révolution des Oeillets", le fado connut, en raison de sa compromission avec le régime, une période d'activité ralentie. Dès les années '80, il est complètement réhabilité et connaît même un succès international grâce à une nouvelle génération de fadistes et de guitaristes.

Le fado relève d'un véritable rituel. Une salle obscurcie où la fadista, une femme dont la robe et le châle noirs accentuent la solennité du moment où un homme, entouré de quelques musiciens dont le célèbre joueur de guitarra, cette guitare portugaise piriforme apparentée au cistre et dont le son si particulier évoque à lui seul le Portugal, tisse ses récits en chantant et crée l'émotion tant par sa voix, ses gestes et l'expression de son visage. Le rôle de chaque intervenant est très codifié. L'interaction entre le fadista et ses musiciens est régie par 3 principes : la hiérarchie, l'individualité et la connivence. le fadista est la figure dominante. Les instrumentistes sont, en général, dirigés par le premier guitarrista.

Tout en respectant le style et le tempérament de chacun des intervenants, les artistes de fado tentent d'établir une harmonie musicale. C'est à la fois cette harmonie et ces distinctions de tempéraments qui créent, en partie, l'originalité du genre qui séduit tant par l'intensité nostalgique qui émane de ces chansons.
Bernard Mouton - Festival Midis/Minimes 2007)

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Style musical au Portugal, le fado a une énorme popularité au pays. Il est le moyen par excellence pour exprimer la saudade*. Traditionnellement, le fado se chante par une femme (sauf à Coimbra, où il est chanté par un homme) accompagnée par une guitare portugaise (12 cordes) par 2 hommes. A sa mort, Amália Rodrigues était la chanteuse de fado la plus connue au Portugal et dans le monde entier. Sa voix vibrante d'émotions a permis de faire connaître la saudade, à travers le fado, à plusieurs générations. Les textes du fado interrogent le destin. Ils "évoquent la nostalgie des morts et du passé, l'amour inaccompli, le chagrin, la condition humaine et nos sentiments, forcément éphémères". Ils peuvent être considérés comme l'ultime expression de la saudade et, chantés, ils permettent aux auditeurs de vraiment découvrir l'état d'âme qu'est la saudade.

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(*)Saudade : l'âme du fado.
Saudade, mot intraduisible, exprime un sentiment propre aux Portugais et autres lusophones (personnes parlant le portugais). On essaye de l'expliquer et de lui donner un sens, mais on n'obtient qu'une idée approximative d ece mot. La saudade ne s'explique pas. Elle se vit, entr'autres, par le fado.
La saudade est sans âge. La première apparition du mot daterait d'avant 1200, dans une des ballades du troubadour D. Sancho. Avec le mythe de la passion absolue, la saudade est la source de tous les mythes portugais comme celui de Dom Sebastião ou celui du 5ème Empire. La saudade s'avère être non seulement un mot-clé dans ka culture portugaise, mais aussi un sentiment incontournable.
La saudade peut se comparer à un ensemble très fort de plusieurs états d'âmes comme un mélange de mélancolie, de tristesse, de regrets, de rêverie, de nostalgie et d'insatisfaction. La saudadeà tellement de significations que chacun peut avoir sa propre idée de ce sentiment. Toutefois, généralement, tous les auteurs s'accordent sur le principe que la saudade exprime une nostalgie extrême.

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