La Danse et les métiers

La fin de l'époque médiévale et le début de la Renaissance représentent une époque florissante pour la danse. Durant le XIVe et XVe siècle, la société de ce qui est convenu de nommer aujourd'hui l'Europe était composée de quatre classes très distinctes. Il y avait les nobles, les bourgeois, les artisans et les paysans. Ces classes étaient très hermétiques et il était rare de voir une personne changer de classe. Un enfant d'artisan risquait fort de devenir artisan lui-même, tout comme le fils d'un roi avait de bonnes chances de devenir roi ou prince. Or à cette époque, chaque classe possédait ses propres danses. La noblesse s'adonnait aux basses-danses (danses nobles), parmi lesquelles on retrouvait la pavane, la gaillarde, la volta, la courante, l'allemande, la gavotte et quelques branles, tels le branle simple, double, le branle gai, le branle de Bourgogne et le branle des Brandons. L'apprentissage de ces danses nobles faisait partie de l'éducation des courtisans, hommes et femmes.

Les artisans et les paysans s'adonnaient pour leur part aux danses hautes (par en haut ou baladines). Ces artisans étaient regroupés en corporations qui n'étaient ni plus ni moins que les ancêtres des syndicats actuels. Ces corporations avaient établi certaines journées de l'année comme étant celles réservées pour célébrer leur travail particulier. On s'adonnait alors à des pantomimes et à des danses qui illustraient les mouvements exécutés par les artisans de la corporation. Dans plusieurs cas ces mouvements étaient accompagnés de chants dont les mots illustraient encore plus le travail des artisans. Ces corporations possédaient habituellement une hiérarchie. On y entrait comme apprenti. Plus tard on accédait au titre de compagnon. Finalement dans chaque région on retrouvait un maître artisan dans chaque discipline. Les danses de la corporation étaient exécutées par les apprentis et parfois par les compagnons.

La danse des épées était souvent utilisée lors du rituel qui consistait, dans une corporation, à marquer le passage des ouvriers dans les divers échelons du métier. Les ouvriers devaient prouver par leur habileté qu'ils étaient dignes d'accéder à un échelon plus élevé. Cette tradition est la poursuite des rituels primitifs d'initiation sexuelle, lors du passage de l'enfance à l'adolescence et à la vie adulte, où l'épée était perçue comme un symbole phallique. Dans certaines corporations l'épée fut remplacée par un autre instrument, plus représentatif du travail de la corporation. Ce changement illustre bien la transformation du rituel en un examen de promotion. Parmi ces instruments qui ont remplacé l'épée, citons le bâton, le foulard, le mouchoir, les fétus de paille. Parfois même l'épée traditionnelle était transformée et on y ajoutait une autre poignée à la place de la lame, afin de permettre à deux artisans de tenir la même épée sans risque de se blesser. Parfois aussi les danses de corporations s'exécutaient sans instrument aucun.

Nous avons essayé de retracer les corporations qui possédaient des danses caractéristiques propres. La liste qui suit n'est sûrement pas exhaustive, mais permet de réaliser l'ampleur du sujet.

À Perth, en <Angleterre, les gantiers possédaient des danses où l'épée était remplacée par un outil à gratter les peaux. A Flamborough, les pêcheurs avaient des lattes de bois qui servaient au tressage des cordages. Les pêcheurs anglais exécutaient une danse caractéristique, le Hornpipe, qui est considérée comme étant la danse nationale anglaise. Les laitières possédaient une fête particulière, le 29 du mois de mai, où elles exécutaient leurs danses. En Irlande, les lavandières possédaient leur chanson et leur danse propre, "The Irish Washerwoman" que l'on retrouve encore aujourd'hui. Les pêcheurs écossai s exécutaient "The Salmon Dance", la danse du saumon, qui consistait à imiter les sauts et les mouvements de ce poisson. Plus récemment, en 1825, Les ramoneurs de cheminées eurent aussi droit, à Londres, à leur fête où on retrouva leur danse. Cette tradition fut immortalisée dans le film de Walt Disney, "Mary Poppins".


La danse des laitières du 1er mai

Sur le continent, les habitudes étaient identiques. En Allemagne, par exemple, chaque corporation possédait sa danse caractéristique. On retrouve ainsi Schafflertanz, la danse des tonneliers. On retrouve la danse des tailleurs, des charpentiers, des pelletiers et cordonniers, des forgerons, des bouchers, des mineurs, des bottiers, des couteliers, des maîtres d'armes, des marins, des tisserands, des vignerons, des forgerons, des laboureurs, des boulangers et des soldats. Les paysans possédaient, en plus, une danse. En Autriche, on retrouve une danse des forestiers qui s'exécutait avec un bâton: Wischtanz. On retrouve aussi une danse des forestiers en Suède: Skobodam. En France, on retrouve des danses de corporations où l'épée est parfois remplacée par le bâton ou par le cerceau. Parmi les danses de corporations de France, citons la danse des mineurs de sel, des ouvriers du fer, des tisseurs de corde et quelques branles, le branle des lavandières et des ermites.


Le Hornpipe des marins

Cette tradition que possédait chaque corporation d'exécuter sa danse est beaucoup plus récente que les traditions des deux thèmes précédents, les fêtes et les croyance-rituels. Les trois sont toutefois intimement reliés car la danse d'un groupe d'artisans est la reconstitution, à la Renaissance, des rituels antiques d'initiation. De plus à l'époque de sa popularité, cette danse était exécutée à l'intérieur de la fête de cette corporation. Il est donc important de se rappeler qu'il existait dans la vie quotidienne une très grande relation entre les thèmes que nous traitons ici de façon séparée.

**** par France Bourque et Michel Landry

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