La Danse au fil des âges

Pour parler de la danse et bien en comprendre l'évolution, il est utile, voire nécessaire, de retourner à la période néolithique. En effet c'est lors de cette période, que les historiens situent de l'an 6000 à l'an 2500 avant Jésus-Christ environ, que l'on vit apparaître les premières formes de danse ou plutôt les premières formes de mouvements humains rythmés, qui allaient devenir danse. En effet plusieurs éléments permettent d'affirmer que l'homme des cavernes de l'âge de la pierre dansait. Citons à ce sujet les scènes de danse de la grotte de l'Addaura à Palerme en Sicile, de Lérida en Espagne, de Luxor en Haute-Égypte et de Tende, dans les Alpes-Maritimes, citons en plus cette sculpture en terre cuite de l'île de Chypre datant du VIe siècle avant Jésus-Christ et exposée actuellement au Louvre de Paris.

Il est évident que la danse exécutée par des primitifs était fort différente de celle d'aujourd'hui, quelques 8000 ans plus tard. Les historiens de la danse s'entendent en général pour dire qu'à cette époque la danse était largement instinctive et spontanée dans sa forme, sérieuse et utilitaire dans ses buts et immensément religieuse et sociale dans sa valeur. La danse en réalité occupait une large part de la vie de l'homme préhistorique. Les découvreurs et les ethnologues des temps plus modernes donnent exactement les mêmes qualificatifs aux tribus primitives découvertes depuis quelques siècles. Ainsi les danses amérindiennes, que les premiers découvreurs de la Nouvelle-France ont vues, ressemblaient étrangement à celles exécutées plusieurs siècles plus tôt par l'homme préhistorique européen ou asiatique. Les danses retrouvées dans les peuplades primitives d'Afrique ou d'Amérique du Sud présentaient les mêmes caractéristiques.
La religion, les rituels et les croyances ont constitué une part importante de la vie de l'homme primitif et la danse était utilisée pour actualiser, réaliser ces croyances et ces rituels. On peut dire que la danse de l'homme primitif était concrète, c'est-à-dire qu'elle représentait véritablement et le plus exactement possible les événements tels qu'on désirait les voir se dérouler dans la réalité. Ainsi, dans certaines danses primitives telle la danse du bison, l'homme recrée sous forme de rituel de danse, les mouvements qu'il fait, en réalité, à la chasse. Il utilise ces mouvements pour imiter le comportement de l'animal dont il convoite la capture. Cette danse imite en fait, la chasse de l'animal avec la mise à mort du gibier, la lutte et le terrassement de l'adversaire nécessaire à l'existence et au développement prospère de l'exécutant. Elle est donc essentiellement figurative ou concrète. C'est aussi le cas de certaines danses guerrières. Les danses concrètes ont donc un but et une forme bien déterminés. Les plus anciennes parmi celles-ci sont celles où le sorcier (chaman) danse seul afin de pouvoir exercer son pouvoir magique. Peu à peu certains hommes du clan y ont pris part. Ces danses concrètes représentent les toutes premières formes de danse connues aujourd'hui.


La danse de l'ours

A un stade plus élevé de civilisation, on retrouve un autre type de danse non figurative ou abstraite. Ces danses supposent en général une plus haute intellectualité chez l'exécutant. On peut définir ces danses abstraites comme celles ne décrivant pas exactement dans la forme et dans les mouvements les faits qui les motivent, mais ces formes et ces mouvements sont remplacés par des généralisations plus ou moins symboliques et méthaphoriques. Citons en exemple les danses primitives, où l'exécutant devait faire des sauts destinés à favoriser la levée de la semence confiée à la terre, et celles faisant partie d'un rite telles les danses de mariage. Ces deux types de danse symbolisent essentiellement la fertilité.

Que les danses soient concrètes ou abstraites, un fait persiste: l'homme préhistorique danse. Il a exécuté des danses guerrières, des danses funèbres, des danses d'initiation, des danses religieuses et de chasse. On peut dire que presque toute activité humaine de ce temps a donné naissance à des danses. C'est surtout dans l'esprit de cet ancêtre qu'il faudrait chercher la principale différence entre la danse concrète et abstraite plutôt que dans la concrétisation d'une danse. En réalité une danse guerrière pouvait parfois être abstraite, parfois concrète, dépendant de l'idée ou des buts que poursuivait l'exécutant de cette danse. Un détail important à souligner à ce stade-ci est qu'il semble que, dans les sociétés primitives, les hommes se réservaient naturellement les danses de chasse et de guerre. Ce sont encore eux qui pratiquaient les danses chamaniques et les danses de guérison, en fait on pourrait presque dire que toutes les danses concrètes étaient du domaine masculin. Au contraire les femmes participaient aux danses abstraites relatives aux rites de fertilité végétale, et parfois même en raison de leur fécondité personnelle. Les danses d'initiation féminine et les danses funèbres étaient aussi de leur ressort dans la préhistoire. Quoi qu'il en soit, il est assez extraordinaire de constater que plusieurs de ces danses ont pu se transmettre de génération en génération. Car il est possible aujourd'hui d'en retrouver certaines plus ou moins à l'état primitif. Certains historiens de la danse prétendent même que la quasi-totalité de notre folklore subsistant encore est le reliquat de rites néolithiques de fécondité. C'est d'ailleurs ce à quoi le folklore s'attarde principalement: retrouver des situations actuelles présentant des origines symboliques lointaines. Ce symbolisme est l'idée qui préside à la danse, qui l'explique et qui la justifie. C'est ce qu'elle veut représenter; c'est la raison pour laquelle on l'exécute.

**** par France Bourque et Michel Landry

LA DANSE AU FIL DES AGES            GENERALITES