Le pain de Pecica.

Le pain de Pecica est un aliment venu de Roumanie, en quête de label européen…



Comme la plupart des européens, les Roumains n’échappent pas à un retour à la nature et à une certaine authenticité. Fruit d’un travail artisanal, issu de produits naturels de grande qualité, le pain de Pecica a conquis déjà une grande partie de la Roumanie, depuis le département d’Arad, où il a été élaboré… Il ambitionne de conquérir l’Europe, mais la route est longue…

Après une période de forte industrialisation en tous genres, même dans le domaine alimentaire, le retour vers la nature s’est amorcé d’abord comme une mode, en douceur. La Roumanie ne fait pas exception à cette tendance, les produits éco, bio ou organiques étant de plus en plus recherchés ici aussi. A l’instar des autres pays, la Roumanie ambitionne de protéger, mais aussi de faire connaître ses produits du terroir, non seulement au niveau national, mais aussi au plan européen.

Pour le moment, un seul a déjà obtenu à Bruxelles l’appellation d’origine protégée, à savoir la marmelade de prunes de Topoloveni. Parmi ceux qui essaient de franchir les étapes, l’on compte nombre d’autres, dont les saucisses de Pleşcoi, mais aussi le salami de Nădlac et le savoureux pain de Pecica, très connu en Roumanie.

Le pain quotidien peut être un délice. Surtout à Pecica, ville du département d’Arad, dans l’ouest du pays. Le pain de Pecica, déjà très connu en Roumanie, se donne pour tâche de conquérir l’UE. Mais la route est longue. Au bout des préparatifs, il y aura trois catégories de produits : les produits attestés, dont l’appellation sera protégée, les produits faits maison, spécifiques, et les produits écologiques. L’appellation de «pain de Pecica» sera protégée auprès de l’UE.

Mais qu’a-t-il de spécial ? De nos jours, les gens ne recherchent pas seulement des choses faites à l’ancienne, mais des produits qui racontent une histoire. Son nom donne même l’appelaltion de la localité, comme nous le dit Marinela Petran, présidente de l’Association des producteurs de produits traditionnels du département d’Arad. Ses origines sont historiques. «C’est vrai. Nous ne savons pas, pour l’heure, ce qui fut d’abord : Pecica ou le pain de Pecica. Selon certains historiens, l’appellation de la ville est d’origine slave, et signifie "four". On peut dire que les habitants de cette localité se sont retrouvés avec le pain sur la table depuis des temps oubliés. Comme le précise l’auteur de la monographie de la ville, Petre Ugliş, les femmes robustesfortesbien en chair pétrissaient le pain dans l’auge, puis le mettaient au four. On peut comprendre que chaque maison avait son propre four et le pain de Pecica, un pain renommé, on le trouvait sur la table de tous les ménages ».

La tradition a été préservée de mère en fille. Mais voyons comment les femmes préparaient effectivement ce pain. De quelle farine, dans quelles conditions, à l’aide de quels ustensiles traditionnels travaillaient-elles la pâte, comment le pain était-il cuit ? Au fond, quels sont les éléments qui rendent ce pain unique ? Marinela Petran : «Racontons d’abord à nos lecteurs où est située Pecica. Pecica est sise sur la rive droite de la rivière Mureş ; sa plaine fertile, au sol tchernoziom, soit les 17.000 ha, ont produit dès les temps reculés un blé de très bonne qualité. C’était la matière première dont était fait le pain de Pecica. En fait, on prenait du blé d’Arad jusqu’à Nădlac. Nous sommes dans la Plaine de l’Ouest. Ce blé était moulu dans des moulins spéciaux. Nous en avons eu deux à Pecica ; il y en a maintenant un à Nădlac, qui produit la farine roumaine avec laquelle on pétrit le pain de Pecica».

Disons que la farine a un contenu élevé de gluten. Mais aussi que le pain est produit non pas tant avec de la levure qu’avec un levain particulier. Marinela Petran : «Dans les temps anciens, les femmes utilisaient ce que l’on appelle "cumlău" – un levain. Son contenu était à part : on prenait de la pâte du pain précédent, auquel on ajoutait un peu de houblon (qui est antiseptique). Le tout bien pétri, on le laissait sécher et puis on le gardait dans un petit sac en chanvre. Il faut savoir que les éléments traditionnels interviennent non seulement dans le pétrissage et dans la production du pain, mais aussi dans sa conservation. Il y avait l’auge ancienne, propre, en bois, que les ménagères gardaient au sec, et que l’on utilisait aussi pour le levage. Un des secrets du pain de Pecica, c’est aussi le temps de levage. Et surtout le pétrissage. Les pauvres femmes le pétrissaient jusqu’à ce que la sueur leur perlait au front. C’est pourquoi elles devaient être robustes, parce que cette durée était très longue. Et après tout ce procédé, on faisait lever le pain à bonne température dans la pièce, sous une toile brodée par la main de la grand-mère. Moi, j’ai grandi avec ce pain. Ma grand-mère le pétrissait aussi. Elle allait le mettre au four, au « pec », comme on l’appelait. Il avait un goût à part ».

Quant à mon père, il se souvient de ce pain rond que les gens ramenaient du four, dans leur carriole ou dans une brouette. Car à l’époque, les familles étaient beaucoup plus nombreuses et les pains allaient jusqu’à 12 kilos. Même maintenant, la tradition est préservée par les 3 fabricants de pain de Pecica dont le pain relève beaucoup de celui de nos souvenirs. Maximilian Ponta, dit Max, et Dimitrie Vârtaci, dit Tia, sont propriétaires de la boulangerie "Tiamax". Pour la mettre aux normes européennes, ils l’ont entièrement reconstruite en 2006. Pour Max, le pain de Pecica, «C’est du vrai pain, du pain traditionnel, fait d’après des traditions anciennes, avec du levain, avec de la levure, sans améliorateurs qui le rendent grand et gonflé. Un pain normal».

Un pain spécial, pourtant, connu dans tout le pays, au point que le dictateur Ceauşescu s’en faisait livrer chaque semaine par avion. Pourquoi est-il "normal" pour Max ? Parce que sa mère en avait fait pendant 40-50 ans. Cristina était un vrai personnage. C’était la plus connue des boulangères du village, à l’époque, et c’est dans le four qu’elle gérait que les gens allaient faire cuire leur pain. Après ’90, l’industrie ne marchait plus, dit-il, et j’ai pensé faire du pain maison, pour continuer la tradition. C’est d’après la recette de Cristina qu’il l’a fait depuis 1992. Quel est son secret ? Maximilian Ponta : «Le secret, on ne le dit pas. Je l’ai appris de ma mère et on le garde. Il y va de la farine, du four où on le produit, aussi, et de la manière de le préparer».

C’est donc en ces éléments que réside le secret, et certainement en leur dosage. Actuellement, la boulangerie Tiamax produit un millier de pains de 1 kilo par jour. Max passe en revue les types de formes caractéristiques au pain de Pecica : «Nous faisons le pain rond traditionnel, dit "chapeau", dans une forme, unique dans le pays si j’ai bien compris, la "franzela", plus longue, le type "brique" et le pain rond de 2-4 kilos dans l’âtre, avec une forme ronde, très jolie».

Et la croûte croustillante, comment l’obtenez-vous ? «La croûte croustillante, c’est le four qui la donne. Il est fait en briques fabriquées par les Tziganes, c’est ça. Tout le four est en briques fabriquées par les Tziganes des régions de l’Autriche-Hongrie. Je l’ai trouvée suite à la démolition d’anciennes fermes, les "sălaşe". J’ai eu de la chance», ajoute-t-il.

Les "sălaşe", c’est ce type d’habitation traditionnelle au milieu des champs, où la famille avait de tout pour vivre, y compris un four à pain. C’est l’élément crucial pour faire le pain de Pecica. Le pain ainsi préparé, sans améliorateurs, résiste frais même une semaine s’il est gardé dans un sac en chanvre. Et une dernière question que j’ai adressée à Maximilian Ponta : Vous reste-t-il un pain en fin de journée ? «Non. Et c’est une très bonne chose».

Ligia Mihăiescu

Source : Voyages Ideoz



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