Renaat  Van  Craenonbroeck   (Belgique)


Pour être né et avoir grandi à Anvers, il témoigne d’un très fort dévouement à ce territoire flamandophone. Il était le fils unique d’un tailleur. Sa famille connut les rationnements et les privations durant la dernière guerre mondiale. Son éducation l’a conduit vers une carrière commerciale et ses projets furent grandement facilités par son talent à maîtriser les langues étrangères. Durant quelques années, il fut aussi guide officiel de la ville d’Anvers et il s’attela à cette tâche avec la même énergie et passion que pour tous ses autres points d’intérêt.
Les premières années, alors qu’il formait son groupe, Renaat considérait les associations populaires flamandes comme réactionnaires - à tel point que lui et Lange Wapper attirèrent beaucoup de critiques sur leur approche de la danse. Puis, comme souvent, l’opposition s’atténua graduellement et la méthode propre à Renaat pour traduire la danse fut acceptée et même souvent copiée. Lange Wapper garda néanmoins la réputation d’un groupe “ difficile ”, du fait de son exigence de niveau.
Durant cette période, Renaat était très occupé par ses recherches sur l’histoire des danses flamandes du Brabant. En 1970 il estima avoir amassé suffisamment d’informations pour recréer une danse d’épées flamande.
Avec sa famille, il prenait souvent des vacances en Angleterre, en dépit de ses doléances répétées envers le pauvre niveau culinaire britannique de l’époque, et Lange Wapper effectua son premier déplacement outre-Manche en 1968, à Birmingham. En 1972 le groupe refit le voyage vers Llangolen.
Renaat était un personnage à multiples facettes. Beaucoup de danseurs d’épées anglais, par exemple, le connaissent pour sa présence et son engagement dans l’organisation des rassemblements internationaux de 1996, 1998 et 2000, à Scarborough puis à Witby. En fait l’idée vient de lui : il espérait organiser un tel événement en 1989 pour commémorer le 600ème anniversaire de la première mention écrite de danse d’épées qu’il avait découverte dans les archives de la ville de Bruges. Le manque d’argent l’empêcha de mener à bien son projet mais il se révéla un supporter enthousiaste lorsque l’idée fut reprise par un groupe anglais en 1996.
Combien de ses contacts britanniques connaissent son travail de recherche dans son propre pays et en Europe ? (il fut décrit par Steve Corrsin comme “ … le leader faisant autorité en Belgique et tout simplement la plus importante figure du réseau continental de danseurs d’épées.”) Tant il avait noué de contacts avec les danseurs et les chercheurs de tous pays. Renaat était d’ailleurs un utilisateur invétéré du téléphone – je pourrais presque régler mon horloge sur ses appels hebdomadaires du week-end, toujours chargés de quelque intérêt à communiquer.
Beaucoup encore n’ont pas la chance d’avoir connu le respecté (et très accaparé) professeur de danse, réclamé en Belgique comme en France par autant de groupes soucieux de parfaire leur pratique. Sa série de vidéos consacrées aux valses, mazurkas, scottishs et polkas demeure une référence idéale pour les danseurs.
Il est difficile pour moi de séparer Renaat de Lange Wapper : il était, redisons-le, un des fondateurs du groupe initial de danses de société puis, dix ans plus tard, encouragea à la création d’une danse d’épées qu’il composa en usant des références de danses flamandes et en puisant dans sa connaissance étendue des danses d’épées en chaîne d’autres régions du continent. Cependant, bien d’autres de ses activités n’impliquaient pas le groupe. Je pense à cette époque où nous voyagions tous deux pour voir les groupes (comme les danseurs d’épées de Papa Stour) sur leur propre terrain d’évolution. Beaucoup d’entre eux étaient malheureusement prisonniers de leur isolement.
Il y a quelques années, Renaat s’est marié pour la seconde fois et s’est établi dans le sud de la Belgique, en Ardennes, où résidait sa nouvelle épouse Marie-Christine (surnommée Puce). Mais il accomplissait régulièrement un trajet de plus de deux cents kilomètres pour être présent aux répétitions hebdomadaires de Lange Wapper.
Depuis sa retraite professionnelle, voici quelques années, il s’était forgé une réputation internationale en faisant des communications lors de conférences, telles qu’à l’occasion du rassemblement de Witby ou bien encore du conseil de musique traditionnelle (ICTM) à Korcula, en Croatie, en juillet 2000. Ses interventions résumaient sa connaissance étendue de l’histoire de la danse et révélaient son thème favori qui était de présenter ses idées et expériences de recréation de la danse d’épées. Beaucoup de ces occasions conduisirent à des contacts nouveaux qu’il partageait, généreux comme jamais, avec de vieux amis chercheurs. Ainsi lors de son déplacement au symposium de Korcula, il fit connaissance avec un homologue espagnol qui lui promit de transmettre des informations sur les danses d’épées en Andalousie et ailleurs en Espagne. C’était suffisant pour Renaat – il échafaudait aussitôt des projets de voyages avec moi pour visiter ces contrées dès que possible. Ses efforts ne se limitaient pas au collectage des danses, ainsi devait-il rencontrer John Forest, plus tard dans la soirée de son décès, afin de parler des mentions historiques flamandes de Morris dances.
Avec Marc Van Orshoven, bouffon de Lange Wapper et expert en informatique, Renaat produisait une publication régulière, “ t’zweertdanserke ”, qui sert à la fois de lettre d’information du groupe et de moyen de communication de certaines de ses découvertes relatives aux danses d’épées. Nous échangions nos publications l’un et l’autre (nos vidéos et nos photos) dans l’espoir de rendre notre travail accessible à de futurs chercheurs.
Renaat nous a quittés le 6 juillet 2001.

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