Enfin, en 1760, un document stipule les conditions d'accès à la qualité de Mazui : "Etre propriétaire d'une maison et d'au moins un bonnier et demi de terre située en entier à Vitrival, habiter la maison et y avoir son feu". (1)
 
La révolution française, engendrant l'autonomie de Vitrival, réduisit à la portion congrue les droits du Prince-Evêque et des chanoines.
 
Le Bois des Chanoines fut étatisé mais les Mazuis gardèrent leurs privilèges "estimés comme une servitude ayant force de loi".
 
L'Etat, au cours des remous qui marquèrent la Révolution, l'Empire et la Constitution du Royaume des Pays-Bas, avait décidé de mettre en vente le Bois des Chanoines.
 
Entre-temps, l'Administration française avait interdit tout usage forestier, mais la municipalité de Vitrival plaide en 1804, le maintien des droits ancestraux en faveur des "habitants de la commune" en se gardant bien de parler des "Mazuis", ce qui aurait compromis les chances de succès par le relent de "ci-devant" attaché au mazuyage, qui n'était somme toute qu'une forme de privilège accordé à quelques petits bourgeois, classe moyenne de l'époque, reléguant au rang de citoyens de seconde zone les manants de jadis et les prolétaires de l'époque.
 
En 1812, un arrêté du Conseil de ma Préfecture en date du 10 septembre, maintint les droits d'usage forestier au profit des "habitants de la commune"; mais ces droits continuèrent à s'exercer au profit des Mazuis uniquement, comme sous l'ancien régime.
 
Jusqu'à la chute de l'ancien régime et même pendant la période trouble qui lui succéda, la communauté ne possédait que quelques hectares de mauvais bois et d'essarts.
 
Que décida-t-on de faire?
 
Le Bois des Chanoines mis en vente et rapidement défriché par son acquéreur, le comte d'Oultremont, Vitrival décida d'acheter à l'Etat le Bois des Mazuis, ce qui mettait fin aux contestations intervenues précédemment.
 
Mais la commune, devenue autonome et indépendante en 1797, n'était pas riche et il fallut qu'elle emprunta pour réaliser une acquisition qui lui tenait fort à coeur.
 
Elle réunit les 35.000 florins exigés par l'Etat et les prêteurs, gens nantis de la région, allaient, jusqu'au remboursement intégral, faire office de receveurs des ventes successives des coupes de bois.
 
L'achat portait sur les 180 ha. du Bois des Mazuis et l'acte fut signé par Pierre Galloy, bourgmestre de l'époque, Jean-Antoine Lottin et Joseph Duculot, assesseurs, Gaspard Parent, Joachim Collart, Joachim Damanet et Jean-Joseph Paradis, conseillers. C'était le 16 mars 1829.
 
Le 26 avril 1830, à la veille de notre révolution nationale, eut lieu la première vente de bois sous la présidence du mayeur Pierre Galloy, pionnier de l'autonomie communale et qui exerçait la profession de brasseur.
 
Petite anecdote : Pour fêter l'événement, nos mazuis firent bombance. Quelle liesse en ce mois d'avril; car il y avait déjà de l'indépendance dans l'air et la sève généreuse faisait s'épanouir les frondaisons du Bois des Mazuis. N'oublions pas qu'il fallait toujours être propriétaire des bien spécifiés en 1760 pour avoir accès au bois; aussi les mazuis s'en donnèrent-ils à coeur joie; mais peu de temps après, une lettre parvint au brave Pierre Galloy. Elle émanait des Etats de Namur (2) et reprochait à la commune d'avoir porté en note de la vente, une trop forte somme en dépenses aux libations de ce bienheureux jour du 26 avril 1830.
 
Pierre Galloy était brasseur pour quelque chose!
 
Il répondit de sa plus belle plume :
 
"Comme la règle de notre pays est de donner un rafraîchissement sur le bois lors d'une vente, il nous serait désagréable de tenir les marchands pendant une journée sans les rafraîchir et nous croyons que le défaut pourrait refroidir les amateurs, tandis que l'on voit ordinairement la vente plus animée après les rafraîchissements qu'avant et que la dépense que l'on y a fait se trouve remboursée plus de dix fois.
 
En conséquence, le conseil est d'allouer une seomme de 35 florins pour subvenir à cette dépense qu'il juge aussi utile qu'agréable dans l'intérêt des Mazuys".  
C'est fin, c'était adroit et c'était pratique à la fois.
 
Nous ne savons pas si les Etats trouvèrent à redire à cette argumentation. Au reste, ils allaient avoir bientôt d'autres chats à fouetter.
 
Dès 1830, le bourgmestre Galloy, principal artisan de l'acquisition du bois par la commune, avait envisagé une réforme du mazuyage. Il souhaitait l'étendre à tous les habitants et il écrivait :
"par ce moïen, les plus pauvres jouiraient des mêmes avantages que les plus riches, attandu qu'ils doivent supporter les charges en commun, sans distinction de fortune".  
Ce fut donc la dernière délibération de celui qui, pendant 40 ans, à un tournant de l'histoire de notre village, demeura l'âme de l'administration communale; elle apparaît comme son testatment de premier citoyen de la commune.
 
Pierre Galloy devait décéder la même année et l'on se soucia fort peu de réaliser son voeu.
 
El le mazuyage allait se perpétuer sous sa forme féodale jusqu'en 1947.
 
C'est alors que le conseil communal, sous la présidence du bourgmestre André Spineux et à l'initiative de ce dernier, décida de généraliser l'affouage à tous les foyers.
 
Le dernier bourgmestre de VITRIVAL concrétisait ainsi le souhait qu'avait émis, plus d'un siècle auparavant, le premier bourgmestre de notre commune.
 
Ceci est un trait significatif de l'histoire de notre commune.
 
Depuis lors, chaque année, une "portion" de bois est attribuée gratuitement à chaque ménage; seuls les frais d'arpentage sont payés par les bénéficiaires (actuellement 200 frs).
 
Une particularité du langage à Vitrival : une portion d'affouage s'appelle un "djint", forme wallonne du mot "gens" qui, en français, n'a pas de singulier.
 
A Vitrival, on dit :
"D' ja in bia djint".
 
Le tirage au sort des portions numérotées se fait en novembre à la commune, sous le contrôle de l'agent forestier; les portions étant attribuées à ceux qui se sont préalablement inscrits au secrétariat et ont acquitté la redevance d'arpentage.
 
Durant les années d'après la seconde guerre, le bois de chauffage était très apprécié et ce furent alors plus de 200 foyers qui en bénéficièrent. Pour 1995, 26 portions viennent d'être attribuées. Ceci s'explique par la modernisation des modes de chauffage (mazout, gaz, électricité); le travail que cela implique, le coût du débardage et du transport sont aussi des raisons de la désaffection des habitants à l'égard du mazuyage.
 
Il y a quelques années, certains membres du conseil communal de la nouvelle entité de Fosses avaient émis l'idée d'abolir ce privilège des Vitrivalois qui, à leurs yeux, était une injustice vis à vis des autres habitants; mais les quatre conseillers vitrivalois défendirent bec et ongles, les droits séculaires de leurs concitoyens. (3)
 
C'est le seul aspect de ces usages médiévaux encore en vigueur actuellement.
(1) Un bonnier et demi = 1 ha. 30 ca. depuis 1864.
(2) La Députation Permanente actuelle.
(3) Les quatre conseillers étaient René BRACHOTTE, Gabriel CLOCHERET, Yvon DAFFE et Benoît SPINEUX.
VITRIVAL, TERRE DES CATOULAS
 
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