A 69 ans, au terme d'un triple mayorat (du jamais vu à Fosses-la-Ville) Benoît Spineux se retire totalement de la vie politique. Rencontre.
Voilà un homme politique qui aura su partir. Qui l'avait d'ailleurs annoncé en 2006 et qui a tenu parole, en dépit d'une popularité qui n'a jamais pâli, d'une estime citoyenne qui ne s'est jamais essoufflée. Sans doute Benoît Spineux aurait-il été réélu haut la main. Sans doute aurait-il conservé son fauteuil de bourgmestre s'il l'avait voulu mais voilà, après 18 ans de pouvoir assumés avec un mélange d'élégance, de discrétion et de flegme, il faut pouvoir partir dit-il. Pouvoir céder la place. Pouvoir quitter le groupe politique, les amis, le personnel communal, les conseillers tant de la majorité que de la minorité. À l'endroit de ces derniers, le bourgmestre sortant a toujours manifesté du respect, fait preuve d'une grande capacité d'écoute. On ne se souvient pas d'un conseil où il se soit énervé ou sorti de ses gonds. Autre singularité : Benoît Spineux, et c'est unique dans la province, n'a jamais eu de téléphone mobile : «On a toujours pu me joindre » répond-il. Quant à ceux qui en ont un, une fois sur deux, il ne répond pas». Nous l'avons rencontré, hier matin, à trois jours de remettre son écharpe.
Comment occupez-vous ces dernières journées de bourgmestre?
Comme je l'ai toujours fait. Les dernières fois se succèdent. J'ai présidé mon dernier collège de police. Vendredi dernier, mon dernier comité de gestion à l'hôpital d'Auvelais. Il y a un mois, j'ai présidé le dernier conseil de police. Il y a 15 jours, le dernier conseil communal et j'ouvrirai le premier de la nouvelle législature ce lundi 3 décembre.
Un pincement au cœur?
Oui, un peu, mais j'y étais préparé. Depuis 18 ans, je partage mon bureau avec Jean-Luc (son chef cab’ sans en avoir officiellement le titre), je devrai m'habituer à ne plus le voir tous les matins. Mais c'est la vie que de devoir faire des deuils.
Quel regard vous portez sur ces 18 ans de mayorat, ou 30 ans de vie politique, dont 12 dans la minorité?
J'estime avoir correctement assumé mes missions et si j'ai commis des erreurs, et j'en ai commis, l'électeur ne m'en a jamais tenu rigueur. J'ai toujours progressé.
Quels regrets ?
Je pars sans avoir pu doter le service Incendie d'un arsenal mieux situé que là où il se trouve, rue Saint-Brigide. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Mais n'ayant pas de subsides, on a tout de suite refermé le dossier. La place de Vitrival n'est pas restaurée, mais elle est inscrite au plan triennal, ce n'est pas un regret.
Un bonheur?
Il y en a eu beaucoup. Avoir pu organiser avec mes collègues 3 Saint-Feuillen dont la dernière fut magnifique. Jamais un bourgmestre n'a eu cet honneur. Autre bonheur : pas de catastrophe majeure à Fosses en 18 ans mais il reste trois jours, je croise les doigts. Il y a quand même eu la mort d'un jeune enfant qui est resté dans un incendie, chaussée de Charleroi.
Des dossiers difficiles ?
Oui, celui de la police, avec la mise en cause de Jean-Louis Galetta. Cela m'a pompé beaucoup d'énergie. Mais il s'est avéré que ceux qui le salissaient ou le mettaient en cause étaient ceux qui auraient mieux fait de se remettre eux-mêmes en cause.
On pourrait vous reprocher de laisser un centre de Fosses morne et de n'avoir pas porté un grand projet?
On a beaucoup construit, une crèche, une école... On a acheté le château Winson, ce n'est pas rien. Quant au centre de Fosses, je ne me suis jamais focalisé sur les 3o m' de la place du Marché. J'invite les gens à aller voir dans les villages. Moi, j'avais un dossier prêt avec des subsides pour rénover la place mais une majorité, au sein du collège, a voulu élargir le centre. On a alors fait appel au bureau Modave et on attend toujours que ça bouge.
En 18 ans, quelle évolution avez-vous perçue ?
Les gens se plaignent de plus en plus de tout. Si j'avais 18 ans aujourd'hui, je ferais des études d'avocat : on va en recours pour tout et pour rien. La mentalité est la suivante : « J'ai le droit d'avoir, moi, tout de suite, rien que pour moi. Tant pis pour les autres. J'ai géré énormément de conflits de voisinage. Cela, je ne le regretterai pas.
Faire de la politique, c'est un sacrifice ?
Oui, indéniablement, j'ai été amené à négliger ma famille. Mon père a été maïeur, j'ai toujours vu des gens plein la maison. Mes enfants se sont habitués. Quoi qu'il en soit, je ne regrette rien.
Pour son chef de cabinet, Jean-Luc Boulanger, qui intervient dans l'interview, il y aura lundi beaucoup de pincements au cœur et de larmes au bord des yeux à l'hôtel de ville.
Dès le 15 octobre, on ne me demandait plus mon avis
On vous dit chagriné par le fait que votre fille Laurie n'a pas été désignée échevine par l'Union démocratique...
J'ai été fâché, oui, car on n'a pas tenu compte de son score. On lui a proposé des hochets, des fonctions qui n'existent même pas mais, à aucun moment, un échevinat. Je ne veux plus revenir là
dessus. Tout ce que je sais, c'est qu'au lendemain de l'élection, j’étais déjà hors jeu, on ne me demandait même plus mon avis. Et que si c'était à refaire, Laurie exigerait un échevinat, parce
qu'elle a les capacités. Au lieu de cela, elle est dégoûtée.
Vous partez avec amertume?
Mon plus grand souhait, c'est que l'Union démocratique, dont je suis un des pères fondateurs, et le dernier rescapé, continue à fonctionner dans le même esprit qu'il a toujours fonctionné. J'aurais de l'amertume si j'apprenais qu'elle n'existe plus. Maintenant, malgré ce qui s'est passé, je n'ai pas d'amertume. C'est dans mon éducation d'accepter les choses.
Je vous sens quand même amer ?
Fâché. Peut-être amer de ne pas avoir été associé à la réunion préparatoire à l'installation du CPAS compte tenu de mon expérience. Mais il faut savoir s'en aller. J'ai reçu un hommage de Nicole Mottard (PS) et de François Mortiaux, qui ont salué en moi l'humaniste. Cela m'a fait plaisir.
Un conseil à votre successeur ?
L'humilité. L'écoute. Savoir accepter de prendre des baffes et ne pas en tenir les autres responsables. J'ai toujours assumé. Le maïeur soude le groupe, l'anime, mais il ne décide jamais tout seul. C'est une leçon de vie.
Pierre WIAME